Il faisait si sombre, si froid. Il n'y avait que l'obscurité. Il était seul dans les ténèbres et il courait. Il n'avait plus de force, plus de souffle mais il savait que s'il s'arrêtait, la chose le rattraperait. Il entendait son rire se répercuter parfois autour de lui, en écho, terrifiant. Et parfois c'était sa voix qu'il entendait, caverneuse et glacial. "A moi! Tu es à moi! Tu ne peux pas t'enfuir!" Et à chaque fois sa peau semblait prise de frisson. Il avait envie d'écouter son irrépressible envie de s'arrêter, de s'asseoir, se cacher, pleurer, mais une force indicible semblait le forcer à continuer de courir. Vers où il courait il n'en avait aucune idée, il fallait juste avancer, encore et toujours. Puis une main l'attrapa, un froid intense le transperçant de toute part, serrant sur sa gorge. Quelque chose le souleva et il pouvait sentir un regard intense le dévisager. Il se sentait suffoquer, ses poumons le brûler. Il tentait d'attraper cette main l'étranglant, vain espoir. Ses propres doigts ne rencontraient que son propre cou, de ses ongles il s'arracha peau, chair, le sang giclant partout et il se sentit partir vers l'arrière, s'éteindre, c'était la fin...

"Non! Nooon! Tu es à moi!!!!"


Il pleuvait, les gouttes de pluie s'éclataient avec violence sur la flore dans un déluge apocalyptique. La forêt sentait l'humidité dans chaque recoin et chaque bruit était étouffé par ce rideau glacial qui vous trempait de pied en cap, même en étant à l'abri sous d'immenses racines à l'écorce aussi ridée que le monde lui même. Enveloppé dans sa cape, recroquevillé sur lui même Arn venait d'ouvrir les yeux. Malgré le froid ambiant il était en sueur, de grosses gouttes perlant sur son visage. Le souffle lui manquait, il pouvait encore sentir cette main l'étrangler. Il posa une main sur son cou et se rendit compte que durant son sommeil il s'était griffé jusqu'au sang. Il n'avait même plus la force de pleurer. Le peu qu'il dormait, il faisait à chaque fois cet horrible cauchemar, si réel qu'il se demandait parfois à quel moment il dormait et à d'autres quand il était éveillé. Rêve et réalité se mélangeant il perdait toutes notion de temps et d'espace. Et quand il ne dormait pas ses yeux cernés de noirs fixaient le vide, plongés dans de sombre souvenirs qui ne cessaient de le hanter. Il n'arrivait pas à oublier tous ces visages et l'odeur de mort persistait sur lui, malgré l'odeur de l'humus des lieux. Ses poings se crispaient sur sa cape à chaque cri d'agonie qu'il revivait.

Un battement d'aile le tira de sa torpeur, "Crôaa! Crôaaa!" et son compagnon se posa prêt de lui, penchant la tête de côté, comme si il lui demandait si tout aller bien. C'était surement grâce à lui que Arn arrivait à faire la différence entre ses cauchemars et l'éveil. "Grain! Grain!Grain!..." et le corbeau reprit son envole pour se poser sur l'épaule de son ami. La faim du corbeau lui rappela la sienne. Depuis combien de temps n'avait-il pas prit un bon repas? Il n'avait cessé de se nourrir de racines, de fruits qu'il pouvait trouver et d'eau récoltées dans le creux des feuilles ou dans les ruisseaux. Mais le coin était trop dangereux pour qu'il puisse explorer librement les environs. Il devait avancer à pas prudent et discret.

La pluie se stoppa aussi soudainement qu'elle était apparut. Arn se décida de reprendre la route. Il se leva et s'étira les jambes engourdis. Ses vêtements trempés rendaient sa démarche lourde et maladroite. Il rêvait d'un bon feu auprès duquel il pourrait se réchauffer, mais c'était trop dangereux. Après ce qu'il avait fait peut être qu'on le rechercheraient, amis ou ennemis... Et dans cet endroit cela attirerait trop l'attention. Il prit donc la direction de l'inconnu, ses pas l'amenant vers des lendemains qui paraissaient bien sombre et le corbeau prit son envole, tournoyant pour disparaître derrière la cime des arbres. Il n'était jamais bien loin, il guettait comme il l'avait toujours fait....

[HRP: Comme promis =) Je te conseille de jeter un oeil à la fiche de Caleb pour mieux comprendre tout ça, c'est un perso assez... exceptionnel ^^ La fiche ici: https://warcraft-crusade.forumgaming.fr/autres-factions-f35/caleb-le-messager-du-temps-t146.htm ]

Féralas... Calebestrasz aimait survoler cette région. Le dragon blanc planait légèrement au dessus des feuilles, assez bas pour sentir l'odeur fraîche de la forêt, décuplée par la pluie coulant le long de ces feuilles d'un vert éclatant. Ses yeux balayaient cette étendue verte avec admiration. Calebstrasz préférait de loin être sous sa forme animale, qui lui offrait ce sens incroyable, magnifique, qu'était la vue. C'était dans ces moments de calme, de plénitude, dans ces moments où il observait les merveilles de la nature que le dragon ressentait un pincement au coeur, cet éternel regret que sa forme humaine soit incomplète, aveugle. Oui, même avec toutes ces années, il n'arrivait pas à accepter cette idée. Heureusement, d'en haut, il voyait. Et ce qu'il voyait à ce moment était magnifique.

Le dragon, planant toujours doucement, faisait le vide dans son esprit. Mais c'est à cet instant que ses yeux d'or, reptiliens, se focalisèrent sur une forme en bas. Une silhouette noir, avançant doucement. Le dragon s'arrêta, se maintenant à peu près au dessus de ce qui semblait être un homme. Etait-ce lui ? Celui qu'il avait vu en vision ? Oh, il n'avait rien vu de très précis... Simplement un jeune homme fuyant quelque chose, en détresse, paniqué. Tout autour était flou. Ensuite, il avait vu ce même homme errer dans une forêt qui, à n'en pas douter, était Féralas. Rien de bien intéressant, en effet... Mais assez pour titiller la curiosité du dragon, qui s'était rendu jusque là.

Et, aidé par sa chance incroyable, il venait peut-être de trouver ce jeune homme. C'est à cet instant que sa chance l'abandonna.

Calebestrasz ressenti soudainement une atroce douleur dans son aile gauche. Le dragon poussa un cri de douleur, qui fit trembler la forêt et fuir les oiseaux tropicaux qui s'y cachaient. Une deuxième flèche vint se planter à quelques centimètres de la première, aggravant la blessure du dragon. Ce dernier, déséquilibré, chuta maladroitement, traversant la forêt épaisse pour finir sa course lourdement sur la mousse qui tapissait le sol de Féralas. Le dragon gémit de douleur, secoué par cette chute, et cette attaque inattendue. Calebestrasz n'avait pas une seconde à perdre et, malgré le choc, réflechissait déjà à toute allure. Quelqu'un l'avait attaqué du dessus. Probablement un chasseur, ils venaient ici abattre les espèces les plus rares... Et celui-ci venait de blesser ni plus ni moins qu'un dragon... Ce dernier ne devait pas se faire voir. Les dragons étaient une légende, nul ne devait découvrir qu'ils existaient et que l'un d'entre eux se mêlait aux hommes chaque jour... Calebestrasz ferma les yeux, serrant sa lourde mâchoire tandis que le sang s'écoulait de son aile. Le dragon disparût aussitôt pour laisser place à trois boules lumineuses, qui tournoyèrent pour laisser apparaître à son tour un jeune humain au cheveux aussi blancs que le dragon qui se trouvait ici quelques secondes auparavant. Caleb se leva sans attendre. Il lui serait plus simple de se cacher sous cette forme, dans cette épaisse jungle. Le chasseur ne devait pas le trouver. Personne ne devait savoir qu'il était ce dragon.

Mais ce qu'il ignorait, c'est que la silhouette noir, qu'il observait une minute avant, l'observait à son tour...

Le jeune humain aux yeux d'or, pourtant aveugles, tendit l'oreille, à l'affut du moindre bruit pouvant trahir la présence du chasseur. Et il l'entendit. Quelque chose attérit, proche de lui, et une seconde suffit à son odorat pour détecter que son chasseur était un troll. Caleb se mit à courir, le bras gauche toujours en sang, la douleur immobilisant ce dernier. Autant son ouïe pouvait détecter presque instantanément la position du chasseur, autant, les racines hautes et autres obstacles immobiles lui étaient indétectables. Naturellement, l'aveugle se prit les pieds dans l'un d'eux et tomba, se jetant sur son épaule droite pour ne pas aggraver sa blessure au bras gauche. Il était pris au piège, les pas du chasseur étaient déjà là, et Caleb entendit la corde de son arc de tendre dangereusement.

- Toi ! Mes flèches dans ton bras ! Toi être dragon ?!

Caleb déglutit, le stress faisant perler sur son front une goutte de sueur trahissant son angoisse.

- Quoi ? Je ne peux pas être un dragon, je suis humain !

Feindre, mentir. Jamais Caleb ne s'était retrouvé dans une situation si délicate. Cela devait bien lui arriver un jour ou l'autre, il n'était pas assez prévoyant, trop étourdit... trop jeune.

- Mes flèches ! Dans bras gauche !

Le troll n'en croyait pas ses yeux et tremblait d'excitation. Ses vêtements en peaux d'animaux témoignaient de sa grande expérience en chasse. Et pourtant, Caleb était sûr qu'il était désormais le plus beau de ses gibiers.

- C'est un Elfe qui chassaît à terre, il a mal vu et m'a pris pour...
- Flèches Jinaï uniques ! Flèches rien qu'à moi !

Caleb déglutit de nouveau, cette fois pris par la colère. Son front était désormais en sueur et son souffle court: il perdait beaucoup de sang. Beaucoup trop. Et ce satané chasseur qui ne voulait pas le lâcher... Qu'allait-il faire de lui ? Caleb pourrait-il se battre dans cet état ? Sûrement pas... Le dragon était piegé. Son enveloppe humaine s'affaiblissait de secondes en secondes. Il entendit le chasseur faire un pas de plus vers lui, probablement pour le ligoter... Quand un craquement de branche se fit entendre, à deux mètres d'eux, sur la droite de Caleb. Un animal ? Le pas était assez lourd... Caleb fixa inutilement l'endroit d'où venait le bruit, comme le troll, qui scrutait les environs. Caleb, lui, faisait travailler ses autres sens. Et son odorat, en dehors de l'odeur du troll et de la forêt, sentait sans aucun doute l'odeur de la sueur humaine. Caleb eut un petit espoir. Son enveloppe humanoïde était humaine, et mis à part ses yeux d'or et ses cheveux anormalement blancs pour son « âge », tout semblait indiquer qu'il était un humain tout à fait normal. Caleb hésita. Profiter de l'attention du troll pour le frapper à l'endroit où devaient être à peu près ses genoux (Caleb entendait la respiration forte du Troll, haletante, et pouvait en déduire approximativement où était le reste de son corps), ou bien attendre et voir ce qu'il allait se passer, quitte à agir plus tard ? Caleb attendit une seconde de plus, ses quatre sens opérationnels à l'affut du moindre signe...

A travers l'épaisseur de la flore, un rugissement bestiale déchira les cieux. Arn se stoppa net, restant caché sous une vuigelle, ces plantes à la tige épaisse et pointant droit en piquet sur plusieurs mètres, ses larges feuilles s'étiraient elles aussi vers les hauteurs mais leur poids les faisaient retomber maladroitement, créant ainsi un abri naturelle et une cachette de fortune. C'est alors qu'une chose immense sembla s'écraser, balayant les arbres comme de vulgaires brins de pailles sur plusieurs mètres à la ronde. Les oiseaux s'étaient envolés en pagaille et des dizaines d'animaux couraient la queue entre les jambes pour fuir. Après ce vacarme il n'y avait plus qu'un silence inquiétant et à l'endroit où était tombé cette chose un épais nuage s'éleva durant quelques secondes. D'un pas hésitant Arn s'approcha, sa curiosité était plus forte que tout. Il allait juste jeter un coup oeil et repartir...

Il arriva à l'orée de cette clairière nouvellement créée et ce qu'il vit le laissa perplexe. Un homme étrange était au sol, plusieurs flèches plantées dans son bras. Tapis dans l'ombre il l'observait sans être inquiété qu'il ne le découvre. Mais quand celui-ci regarda dans sa direction et sembla le dévisager, arn eut un léger mouvement de recul. Il ne semblait pas vraiment le regarder, mais à sa façon d'agir il démontrait tout le contraire. C'est à ce moment là qu'il se mit à courir, surement pour essayer de fuir arn. Mais quand il vit un Troll passer à toute vitesse devant lui il comprit que l'un n'était qu'une proie. Il avait envie de faire demi-tour, après tout ce n'était pas ses affaires et à s'en mêler il risquait de s'attirer encore plus d'ennui qu'il n'en avait déjà.

La curiosité fut la plus forte, encore une fois. Il devait découvrir ce qu'il se passait, pourquoi un homme se trouvait à l'endroit de l'impact d'une chose qui aurait du être immense. Quelque chose ne collait pas...

Il les rattrapa rapidement, ils n'avaient pas été bien loin. Il les avait entendu parler entre eux, sans pouvoir distinguer nettement ce qu'ils disaient. Il tenta de s'approcher pour comprendre. Quant il sentit une branche se briser sous son pied. Il fit une grimace de surprise. Il n'eut pas le temps de réfléchir à ce qu'il allait faire, le Troll l'observait déjà. Le jeune homme resta planté là, sans savoir quoi faire et un mal de crâne commença à apparaître.

"TUE!!!"

La voix était tellement violente qu'il avait eu l'impression de recevoir un coup d'une force monstrueuse, lui faisant plier un genou, juste au moment où il entendit une corde se détendre dans un claquement sec et qu'une flèche passa en sifflant juste au dessus de lui, pour finir par se planter dans le tronc d'un arbre.

"TUE LES!!! TUE LES!"

Arn prit sa tête à deux mains, les yeux exorbités par la peur et la douleur. Ses gémissements se transformèrent en râles, de plus en plus forts et la voix ne cessait de le harceler. Il se leva, les jambes tremblantes et fit un pas vers les deux personnes devant lui. Etais-ce bien lui qui venait de se lever? Il n'en avait aucune certitude. Il avait l'impression de plonger à nouveau dans ce gouffre de ténèbres. Il allait encore faire une chose atroce. "Non..." Pas cette fois!

"Nooonn!!!"

Il sentit chaque muscle en lui se contracter violemment, son dos se courba vers l'arrière si fort qu'il crut qu'il allait se briser, tandis qu'une lueur étrange tournoya autour de lui pour disparaître aussi rapidement qu'elle était apparut. Le chasseur tremblait de terreur, son instinct animal avait prit le dessus, les flèches encochées tombèrent au sol au même moment où celui-ci fit un prodigieux bond en arrière pour disparaître derrière d'épais buissons.

Haletant, Arn s'avança en titubant vers l'homme au sol. Il était désorienté, il n'arrivait plus à se rappeler ce qu'il faisait là. Il savait juste au fond de lui que l'homme blessé avait besoin de lui. Où étais-ce le contraire? Cette pensée lui donna la chaire de poule sans qu'il ne sache pourquoi. Cette sensation dura quelques secondes avant que tout ne vienne le rattraper comme un élastique qu'on aurait trop tendu pour finir par le relâcher, claquant au visage pour y laisser une vive douleur. Le mal de crâne était tapis, prêt à surgir mais il banda sa volonté pour tenir le coup. Il ne savait pas combien de temps il pourrait tenir, mais quel choix avait-il? Il tendit une main à la personne allongée à ses pieds, un sourire déformé par la douleur et la fatigue au visage.

" Vous allez bien?...."

Le silence. Lourd, pesant. Des souffles retenus, une tension palpable. Caleb, yeux ouverts, comme si lui aussi pouvait observer la scène, tendait l'oreille. Après le craquement de branche, Caleb entendit une frottement de corde. Sans aucun doute, le chasseur tirait. Le coeur de Caleb s'accéléra brutalement. Si la flèche filait vers lui, c'était la fin. Mais non. Les oreilles de Caleb, affutées depuis le temps qu'il était aveugle, pouvaient entendre la flèche fendre l'air, se dirigeant quelque part vers l'endroit où la branche avait craqué.

Un mouvement de cape. Une esquive ? Caleb devait-il profiter de l'occasion pour fuir ? Oui, c'était le plus sage... mais la curiosité semblait paralyser ses membres, et le maintenir ici, cloué au sol, pour attendre de « voir » qui était le nouvel arrivant.

"Non... Nooonn!!!"

Caleb tressaillit, et entendit le chasseur laisser tomber flèches et arc pour s'enfuir. Que se passait-il... ? Il ne comprenait plus rien, mais si le chasseur avait déguerpi, c'est peut-être qu'un danger approchait. Pourtant, Caleb n'entendait rien.

Ou presque. Des petits pas s'approchèrent. Caleb, sur ses gardes, resta immobile, le regard fixé au sol. Pourrait-il se défendre si on l'attaquait... ? Ce serait difficile... Les pas s'approchaient toujours. A l'oreille de Caleb, l'être approchant dvait être un humain, ou peut-être un elfe. Ses pas étaient légers, mais pas assez pour être ceux d'un gnome ou d'un nain. La voix qu'il avait entendue confirmait ses suppositions. La personne approchant haletait, comme si elle avait fait un grand effort physique, ou était blessée. Caleb lui-même l'était, et c'était désormais un froid glacial qui avait envahit son bras.

Les pas s'arrêtèrent devant lui. Tendu, Caleb attendit toujours, totalement à la merci de cet être qui se tenait là, devant lui, et qu'il ne pouvait voir.

" Vous allez bien?...."

Caleb fut surpris. Cette même personne, qui avait poussé un cri déchirant et fait peur au chasseur, lui demandait désormais si il allait bien... ? Tout cela était étrange... Mais Caleb était au moins rassuré: il était face à un jeune garçon, à priori inoffensif ou du moins, amical.

« Moi oui... mon bras un peu moins... »

Caleb, qui en pouvait voir que le jeune homme lui tendait la main, entreprit de se relever seul, en prenant appui sur sa main droite. Aussitôt, une main vint le soutenir. Mais dès que la peau de Caleb fut en contact avec celle-ci, une violente vision assailli Caleb.

Les ténèbres. Un froid glacial. Un jeune homme brun courait de toutes ses forces, son visage déchiré par la peur. Un rire retentissait tout autour de lui, un rire sombre, machiavélique, effrayant. Tout était flou, l'esprit de Caleb était complètement embrumé par cette vision, plus sombre que jamais. Une main étranglait désormais le jeune homme, l'étouffait. Des yeux apparurent alors dans l'esprit de Caleb. Le coeur de celui-ci s'emballa à toute vitesse. Il avait l'impression de mourir face à ce regard. Son esprit était totalement hanté par cette vision.

A l'exterieur, Caleb avait tout à coup des sueurs froides, et tremblait. La violence de la vision l'avait fait tomber à terre tout à coup, malgrès que Arn ait essayé de le retenir. Caleb était pris de convulsions, à terre, les yeux retournés dans leurs orbites.

Et puis le regard disparu de son esprit, le rire s'étouffa, et le blanc habituel que voyait ses yeux d'aveugles revint petit à petit. Il cessa de trembler, son souffle et son coeur se calmèrent lentement. Au loin, il entendait une voix. Et puis, les sensations revinrent à leur tour: l'odeur de la forêt humide, le sol, froid, sous lui. Les herbes se mêlant à ses cheveux ébouriffés, et surtout, la vive douleur dans son bras. Caleb ouvrit ses yeux d'or, inutilement.

« Qu'est-ce que... qu'est-ce que c'était... »

Jamais il n'avait eu une vision si violente, si effrayante. Et habituellement il voyait l'avenir de quelqu'un... Cette vision là semblait tellement irréelle, tellement étrange... elle n'avait aucun sens...

« Ce rire... cette voix... ce regard... »

Le jeune homme resta silencieux un instant. Caleb se redressa tant bien que mal, pour s'asseoir et reprendre ses esprits. Avant que l'homme n'eut le temps de répondre, Caleb lâcha, épuisé:

« Il me faut de l'eau de Lotus pourpre... et une feuille de soleillette... »

A force de voyager à travers le monde, Caleb avait appris énormément sur la nature d'Azeroth. Ce qu'il réclamait pourrait apaiser la douleur de son bras. Il ignorait si Arn connaissait ces plantes... Lui était capable de les reconnaître à l'odeur et au toucher, mais il était trop faible pour bouger. Epuisé, l'esprit encore embrumé par les échos de ce rire terrible, Caleb resta immobile, pensif, dérouté, comme déconnecté de la réalité.

Une chose était sûre... l'homme qu'il venait de rencontrer avait quelque chose d'exceptionnel. Caleb devait découvrir de quoi il s'agissait.

Arn eut un moment de recul, un bras levé comme pour se protéger quand l'homme qu'il avait aidé à relever c'était mis à rentrer dans ce qu'il semblait être une transe. Il avait déjà eu affaire à ce genre d'état avec son père et il pouvait reconnaître tous les signes. Ce qui le perturba encore plus c'était ses propos, faisant étrangement écho à ses plus sombres cauchemars. Il ne pouvait croire qu'il soit possible qu'une personne soit capable d'une telle chose, mais on lui avait appris à ne pas sous-estimer la magie et il croyait à la magie de la possibilité, celle où aucune barrière ne pouvait entraver l'imagination, à part celle de ses utilisateurs même. Sans compter qu'il restait une question qui lui piquait le bout de la langue concernant l'énorme créature qu'il avait cru entrapercevoir. Mais ce n'était pas le moment et la demande d'aide de son compagnon d'infortune le tira de ses pensées. Il fit un hochement de tête.

"Bien sur... je connais chaque plante de cette forêt.. Mais..."

Une pensée inquiétante lui traversa l'esprit, le troll avait fui, mais c'était un chasseur, et un chasseur ne lâchait jamais sa proie. Il avait déjà rencontré une de ces tribus troll où la chasse était considéré comme un art et un très grand honneur. Il arrivait que certains d'entre eux n'osaient jamais revenir chez eux avant d'avoir pu attraper la proie qu'ils avaient promis à leurs dieux et à leur village. La chasse devenait un symbole de pacte quand des mariages avaient lieux ou encore quand une paix temporaire entre tribus devait être conclus. Il ne savait pas pourquoi ce troll en avait après cet homme, mais il y avait quelqu'un qui avait besoin de lui. Le plus important était de trouver un abri pour être en sécurité. Il s'accroupit près du type, lui posant une main sur l'épaule.

"Je suis désolé mais on ne va pas pouvoir rester là. Je vais vous aider à vous lever! "

Il le força à lui passer un bras autour de ses épaules et ensuite le souleva du mieux qu'il pouvait, serrant la mâchoire sous l'effort. Il claqua sa langue rapidement dans un bruit répétitif et sembla scruter le ciel. Au bout de quelques secondes un croassement déchira le silence inquiétant qui s'était installé petit à petit. Arn tendit son bras libre et son ami se posa dessus, battant des ailes férocement. Il devait sentir toute l'agitation et l'inquiétude habitant son protégé. Il le dévisagea, tournant la tête de côté comme attentif à ce qu'il dirait. Le jeune guerrier approcha le volatile près de son visage.

"Ecoute moi bien, il a besoin d'un endroit sur et en hauteur, le temps que je puisse le soigner et pour surveiller facilement les alentours. J'ai besoin de toi, trouve moi un endroit et vite!"

Il leva soudainement son bras et le corbeau prit son envole pour disparaître à nouveau. Arn assura sa prise sur l'homme et se mit à marcher le plus rapidement possible, soufflant sous l'effort. Ils commencèrent à dévaler une pente abrupte, mais pas suffisamment pour les empêcher de l'emprunter. Il y avait assez de racines et de plantes solides pour s'y accrocher et garder son équilibre. Puis une flèche siffla pour venir par se planter à quelques pas des deux humains. Arn ne prit même pas la peine de regarder d'où elle venait, d'après l'inclinaison de celle-ci dans le sol le tir venait sans aucun doute de derrière eux. Il ne prit plus aucune précaution et commença à dévaler entre les arbres et les racines, glissant à moitié pour se rattraper in-extremis à des branches, les plantes fouettant son visage. Il se prit finalement les pieds dans quelque chose et il tomba vers l'avant, percutant le sol de pleine face pour finir par glisser, dévaler la pente à toute vitesse. Après plusieurs mètres chaotique et douloureux arn tomba dans ce qu'il semblait être une rivière. L'eau était glaciale et il bu à moitié la tasse. Il sortit la tête hors de l'eau, prenant une grande goulée d'air pour finir par tousser violemment. Un deuxième plouf attira son attention et les habits blanc de l'homme flottait à la surface. Il se dirigea vers lui pour l'aider à garder la tête hors de l'eau.

"Tenez bon!"

Haletant il essaya de l'amener vers le bord, mais il se rendit compte que le courant semblait de plus en plus rapide, trop pour qu'il puisse espérer atteindre de ses seuls forces le rivage. Sans compter qu'un troll était prêt à les accueillir de quelques flèches bien trop aiguisées à son goût. C'est à ce moment là qu'il aperçut en amont un tronc, tapissé de feuilles mortes et de lianes, une cachette parfaite, le temps de se laisser porter en aval et s'éloigner du danger. Il attrapa l'arbre mort quand il passa juste à côté. Il se cala du mieux qu'il put et d'une main à peine libre essaya tant bien que mal d'attacher l'homme au tronc. Au bout de quelques minutes silencieuse et glaciale le courant sembla se calmer et le courant les fit arriver à l'embouchure de la rivière. Arn prit avec lui l'homme, le tirant comme il le put jusqu'au rivage. Le sable sous ses pieds crissa, tandis que d'énorme quantité d'eau dégoulinait de ses vêtements. Il tenta de tirer vainement l'homme blessé, mais ses forces semblaient l'avoir déserté, les jambes tremblantes il se laissa tomber par terre, essayant de reprendre sa respiration qui semblait se faire rare.

Le ciel était si morne, les nuages gris semblait avoir prit possession des cieux, étrangement arn se sentait si calme. Cela ne lui était pas arrivé depuis si longtemps, il aimait observer le ciel et avait l'impression à certains moment de pouvoir sentir le vent courir le long de ses cheveux et de ses joues, planant majestueusement, libre de toutes entrave... il poussa un soupir lasse, tourna sa tête vers l'homme, ses questions le taraudant revenant à la charge. Sans s'en rendre compte ses pensées avait prit vie dans sa gorge pour finir par sortir de sa bouche. Il avait parlé tout haut malgré lui.

"Qui es-tu?"