Baie-du-Butin... C'était chez lui. Ess s'y était fait une place, et aujourd'hui, y était reconnu. Chaque Gobelin le saluait, comme si il était l'un des leurs. Ess aimait les Gobelins. C'était une race prête à toutes les arnaques et pots-de-vin possibles pour se faire du fric. C'est bien pour cela qu'il vivait parmi eux.

Il était un humain pas comme les autres. Non, vraiment pas. D'ailleurs, tout le monde disait qu'il aurait du être un Réprouvé, et que de toute façon, il le deviendrait tôt ou tard. L'idée ne déplaisait pas à Ess. Après tout, vivre plus longtemps que le commun des mortels, qui cracherait dessus ?
En attendant, Ess n'était qu'un humain. Un pauvre humain sans importance. Il n'était pas combattant, mais déserteur. Il n'était pas patriotique, mais traître à sa faction, quand cela pouvait servir ses intérêts. Il se fichait pas mal de la guerre, de la haine entre les factions, entre les races... Lui, tout ce qui l'importait, c'était sa propre personne. Son enrichissement, son bien-être personnel.

Mais quel était son "bien-être" ? Qu'est-ce qui le rendait heureux ? Les femmes. Les drogues. Ah oui, en parlant de drogues... Ess était trafiquant. C'est ce qui lui avait permis de se faire une place à Baie-du-Butin, où toutes sortes de marchandises transitaient entre Kalimdor et les Royaumes de l'Est. Ici, personne ne le surveillait. Ici, il pouvait faire son trafic comme bon lui semblait. Trafic qui lui donnait tout juste de quoi vivre. Il ne roulait pas sur l'or, au contraire. Cela se voyait à son physique. Bien qu'assez musclé (il avait suivit l'entrainement des guerriers, à l'époque ou il vivait à Hurlevent), il restait assez fin. Ses cheveux étaient d'un noir de jais, coiffés en bataille. Ses yeux étaient également noirs. Ses pommettes étaient creuses, son regard sombre. Il souriait rarement. Excepté avec les femmes, ou son attitude changeait radicalement: un sourire charmeur, un regard mutin. Certaines l'admiraient, d'autres le haïssait. Quand aux hommes, ils le haïssaient presque tous. Pourquoi ? Parce-que c'était lui, Ess...

Le jeune homme se réveilla. Le soleil entrait chez lui, se faufilant entre deux planches du plafond, légèrement écartées. Les cheveux en bataille, il s'assit au bord de son lit, baillant. Une jeune femme se réveilla à ses côtés et, nue, vint se coller contre son dos. Il tourna la tête vers elle, encore endormi.

« Mmmmh... Talya c'est ça ? »
« Eline. »

Ess eut un petit rire, se frottant l'oeil, se désintéressant d'elle.

« Pareil... »

Vexée, la jeune femme lâcha quelque chose comme « pauvre type » avant de se lever et s'habiller en vitesse, le visage fermé. Elle lâcha, provocante:

« Si tu veux savoir, c'était pas génial. »
« Oh, chérie, n'essaie pas de me blesser, c'est inutile. »

Ess se leva et s'habilla tranquillement, un léger sourire sur le visage, tandis que la jeune femme quittait la maisonnée, claquant la porte. Sans prendre le temps de se coiffer, il sortit, vêtu d'une chemise blanche et d'un pantalon marron abimé. Saluant quelques gobelins sur son passage, il se dirigea vers un petit marchand de fruits, à l'étage le plus bas de la ville. Il lui échangea quelques pièces contre une pomme. Remontant, une main dans la poche l'autre tenant le fruit qu'il commençait à croquer, il se dirigea vers le quai, tranquillement, où un bateau était accosté depuis quelques heures.

« Qu'est-che qu'on a la ? »

Un gobelin avec un carnet de notes leva les yeux vers Ess et lui indiqua qu'il s'agissait d'un bateau transportant des bêtes de Kalimdor. Il lui indiqua ensuite, plus bas, que celui qu'il attendait était arrivé avec.
Satisfait, Ess s'avanca. Des Gobelins s'agitaient partout autour de lui, sortant des cages du bateau contenant des bestioles. Ess reconnu des groins-tempête, des têtes-tonnerres, de jeunes hurleurs solécaille... Slalomant entre les êtres de petite taille, il se dirigea tranquillement vers un orc, sur le pont du bateau. Ils se saluèrent amicalement, et l'orc donna à Ess un petit sachet en échange d'une bourse d'or.

« Alors, c'est bien... »
« Gangrelotus, Chapeluisant, Poudre des arcanes, jus de Feuillerêve. »
« Et alors ? »
« Du rêve en sachet. »

Ess regarda le sachet, satisfait. Puis il leva les yeux vers l'orc, le remercia, et redescendit du bateau. C'est alors qu'il tomba nez à nez avec...

« Cixii ! Que fait une pareille beauté dans cet endroit regorgeant de rats et de gobelins répugnants ? »
« Quand tu fais allusion aux rats, tu parles de toi n'est-ce pas ? Laisses moi passer. »
« Oh, tu refuses toujours d'admettre que je te plais hein ? »
« Tu m'écoeures plus qu'autre chose. Tout comme... ce que tu fais... » Dit-elle en posant les yeux sur le sachet de poudre. Elle soupira et tenta de le dépasser mais il resta face à elle, lui barrant la route.
« Les affaires, chérie. On a pas tous la chance d'être né bourgeois. »
« Il y a d'autres moyens de s'enrichir... »
« Mais c'est tellement bon. Je te met une dose pour le voyage ? »

Cixii, agacée, le poussa et traça sa route vers le bateau, où elle embarqua et s'enferma dans une pièce, loin du trafiquant. Ce dernier reprit son chemin, jetant son trognon de pomme et glissant le sachet dans sa poche. Alors qu'il retournait vers chez lui, il fit de nouveau une rencontre, bien moins agréable. Il s'arrêta face à deux Elfes de la Nuit. Grands, très bien battis. L'un était guerrier, l'autre avait une bestiole avec lui, et était donc probablement chasseur. Le guerrier lâcha:

« C'est ça Ess ? »
« Le langage humain veut qu'on dise « lui » ».
« Tsss... Je m'attendais à ce que tu sois une mauviette, mais pas à ce point la. Tu connais ma soeur ? »
« Eline ? » Tenta Ess.
« Talya »

Ess eut un petit rire. Le guerrier lui envoya son poing dans la figure, mais Ess l'esquiva et lui renvoya un crochet. Sans attendre plus, il plongea dans l'eau de la Baie. Il sortit de l'eau à l'étage le plus bas et entra dans une maisonnée. C'était chez Galruk, qu'il connaissait bien. Celui-ci le laissa faire, ayant l'habitude d'abriter son ami, qui, à force de toujours provoquer, s'attirait parfois des ennuis. Trop souvent même. Mais en général, Ess savait faire des courbettes pour se tirer seul des situations délicates. C'était même son point fort: la tchatche. Sauf avec les frères de ses conquêtes, évidemment... Lorsqu'il fut sûr que les deux brutes étaient parties, le rat sortit de sa cachette. Il jeta un oeil au bateau: partit. Un autre arrivait déjà. Ess aperçu un Elfe aux cheveux verts en sortir. Mmmh... c'était la première fois qu'il le voyait lui... Le regard noir, Ess s'approcha. Il était sur son territoire, et n'aimait pas les inconnus.

[HRP: Couleur des paroles d'Ess: Darkslategray]

« Alors, nous disions donc 5 canons gros calibre modèle « Thunder Fire » avec 20 lots de munitions, 45 fusils en adamantium, 2 « Nesingwary 3000 » et 15 tonneaux de rhum ambré des îles du Sud. Ce qui nous fait un total de... Mougnamougnaaa... 12 500 pièces d'or. »

Le vice-amiral gnome Eau-plate acquiesça, donnant par là même son accord pour l'échange. Pourtant, son visage affichait un rictus figé qui indiquait que le prix lui plaisait beaucoup moins que la cargaison étalée devant lui. Il leva les yeux vers la haute silhouette située à ces côtés qui, de façon désinvolte, posait sa main sur la pyramide de matériels et d'équipements. Le fier gnomidé gradé se racla la gorge.

« Hum. Capitaine Thaanös, j'avoue que j'trouve tout c'fatras un poil cher ! Une 'tite ristourne s'rait la bienvenue ! »

Le dénommé Thaanös, fier et élancé, caractéristique raciale des Elfes de la Nuit, éclata d'un grand rire gras, se prolongeant anormalement longtemps. Le vice-amiral se sentit soudain mal-à-l'aise, ce qui ne lui était pas arrivé devant ses hommes depuis qu'il avait grimpé dans les échelons de la Voile Sanglante. Le rire de cet énergumène d'elfe était étrangement troublant. Si ce salopiot n'était pas dans les bonnes faveurs de l'amiral Firallon...

L'Elfe se tût soudain. Eau-plate cessa aussitôt de se parler à lui-même, comme s'il avait peur que l'elfe capte ses pensées. Le visage de ce dernier arborait un rictus un brin psychopathe et inquiétant. Il se pencha vers le gnome, sa tête se retrouvant à quelques centimètres de celle du vice-amiral. D'un murmure rauque, il lui répondit tout simplement :

« Même pas en rêve. »

Thaanös se redressa, un petit rire aux lèvres, content du petit effet théâtral qu'il affectionne particulièrement. C'est si jouissif de jouer avec le moral des gens. Et c'est si facile. Hu hu. L'elfe jeta un œil sur le visage du vice-amiral. Celui-ci avait l'air renfrogné et bougon. Excellent. Il me déteste. Et malgré ça, il va devoir m'acheter toute ma cargaison. Allez... Vas-y, dis-le...

« Bon bon. Je prends tout quand même, on est dans la fiente de piaf depuis un moment contre ces salopards des Flots Noirs. ALLEZ MATELOTS ! EMBARQUEZ-MOI TOUT CA ! ET QU'CA SAUTE ! »

Le gnome se retourna vers Thaanös, et, sans lui dire un mot, lui balança une sacoche pleine d'or. Puis, lui tournant délibérément le dos et redressant son bicorne, laissa exploser sa rage sur la cohorte de matelots qui s'affairaient autour de lui. Hop là, gagné. Encore un que j'ai exaspéré. J'adore.

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Thaanös, comme vous avez pu le constater, est un personnage qui rentre dans la classification des personnages « Louches et étranges », sous-catégories des « Psychopathes lunatiques ». Elfe de la Nuit élancé, relativement musclé mais sans plus, sa peau présente une couleur particulière, subtil mélange de teintes violettes diverses ; ses cheveux, mi-longs, frappent par leur couleur vert sombre. Bref. Je ne m'étale pas dans les détails (HRP : Oui, faut que j'fasse sa fiche ^^ ).

Qu'est-il exactement ? Un peu de tout. Et de rien à la fois. Trafiquant de marchandises, revendeur, génie des magouilles (pas toujours foireuses), arnaqueur... Et c'est un résumé. On peut dire que Thaanös aimait entretenir des relations avec les bandits de toutes sortes : du petit voleur d'Elwynn aux pirates de la Voile Sanglante en passant par les pillards orcs Rochenoires et les bandits Défias... Il commercait avec n'importe qui, du moment qu'il avait de quoi le payer. De son QG, amas de cabanes situé dans les Tarides, non loin de Cabestan, dans un endroit que personne n'a pu encore identifier, il supervisait un immense trafic d'armes, de marchandises, d'équipements divers et variés, de denrées rares... Les drogues ne l'intéressait pas plus que ça, mais il lui arrivait d'en vendre à ceux qui avaient passé commande pour un très bon prix. Mais revenons à notre histoire.

Nommé Capitaine de la Voile Sanglante par l'Amiral Firallon à la suite d'une livraison d'armes qui avait changé le cours d'une bataille contre les sbires de Baie-du-Butin, cela faisait plus de 20 ans qu'il était interdit de séjour à Baie-du-Butin. Les gardes avait reçu l'ordre de le tuer à vue. Charmant n'est-ce pas ? Ce qui nous mène quelques jours auparavant. La nouvelle était tombée un matin, par l'un de ces indic'. « Baron Revilgaz remplacé. Nouveau dirigeant pour BB. Plus laxiste. Tes affiches de recherches ont été déchirés. Nouveau dirigeant, nouvelle justice a-t-il dit. Tu peux revenir. ». Oh oh. Grande nouvelle ! Sa suprématie des trafics en mer allait-elle être totale ? C'est ce que nous allons voir.

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Le lendemain, à l'aube, l'elfe dégingandé prenait le bateau pour Baie-du-Butin. Ah, l'air marin. Son préféré. Jamais il ne se lassait d'un voyage en bateau. Cela était synonyme de richesse, de bonnes affaires et de vie. Hu hu, quel poète je fais !

Deux heures et trente-cinq minutes plus tard, le navire pénétrait dans le port de Baie-du-Butin. L'étalement anarchique des baraques de bois donna le sourire à Thaanös. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas revu cette petite bourgade qu'il appréciait tant. Il respira longuement une fois encore. Odeur de poisson, de kérosène, et de je-n'sais-pas-trop-quoi qui faisait le charme du sympathique port gobelin. Avec un sourire cynique et provoquant, il adressa un signe de la main à un vieux garde gobelin, qui le reconnut en sursautant et en grognant. Héhé. Quelle joie de revenir.

Il sortit de sa poche une vieille clé en bronze, très abimée et sombre. La clé de son ancienne planque à Baie-du-Butin. Existait-elle encore ? Il en était presque sûr car, comme à son habitude, il ne choisissait pas au hasard ces « lieux de villégiature ». Sourire arrogant. Allure suffisante. Oui, vraiment, quelle joie de revenir.

Edit : Modif' de quelques erreurs + de quelques couleurs

L'Elfe lanca un bonjour enthousiaste à un gobelin. Sûr de lui, souriant, il débarquait en grand vainqueur. Mais vainqueur de quoi ? Qui était-ce mec qui venait se pavaner là ? Ess le regardait attentivement. Cheveux verts, peau violette... drôle de physique. Pieds nus, comme à son habitude, Ess avança lentement, les mains dans les poches. Ils marchaient l'un vers l'autre. Ils se croisèrent. Ils se jetèrent un regard, et tracèrent leur route. Une ville, deux hommes. Ess sortit de sa poche son tabac et, tout en marchant, se roula une cigarette. Les cigarettes aussi, faisaient partie de son commerce. Elles avaient été inventées par deux gnomes, pour faire concurrence aux nains et à leurs fameuses pipes. Elles faisaient la joie d'Ess, qui ne pouvait plus s'en passer. Sa main cagneuse posa sa cigarette entre ses lèvres. Il saisit dans sa poche une petite boite d'allumette et, tout en allumant le fin papier, lança au gobelin qu'avait croisé Thaanös, d'une voix trainante:

« F'est qui lui ? »

« Thaanös, Capitaine de la Voile Sanglante. »
« La Voile Sanglante ? Qu'est-ce qu'il fout la ? »
« Il vient fouttre son nez dans nos affaires, v'la c'qu'il fait ! Il profite que l'Baron soit plus là tiens ! »

Ess lança un regard mauvais à l'Elfe, expulsant la fumée de ses narines. Il reprit, sans le quitter des yeux:

« Et il fait quoi dans la vie ? »

Le Gobelin ricanna. Puis il lâcha, lançant un regard de défi à Ess:

« Comme toi. »

Ess, tirant doucement sur sa cigarette, fixait toujours l'Elfe, les yeux plissés. Tout à coup, il baissa les yeux vers le Gobelin et eut un sourire. Il lâcha, recrachant la fumée dans la figure de la créature:

« Bien. On va pouvoir s'entendre. »

Ess laissa le Gobelin qui lui lanca un regard noir et, toujours de sa démarche trainante, une main dans la poche, l'autre tenant la cigarette, se dirigea vers l'Elfe. Ce dernier prenait, bizarrement, le chemin qui menait à la planque d'Ess. Ce dernier le suivit. Il fut surpris de voir Ess insérer une clé dans la serrure. Mais la porte ne s'ouvrait pas. L'Elfe insistait, donnant des coups inutilement dans le bois.

« Tu veux p'tet que j't'aide à entrer chez moi... ? »

L'Elfe se retourna et vit Ess, planté là, fumant, le visage inexpressif. Mais avant que l'Elfe ne pu faire quoi que ce soit, il y eut de l'agitation autour d'eux. Une trentaine de Gobelins étaient arrivés, et encerclaient les deux étrangers. Tous regardaient Thaanös d'un oeil mauvais, certains l'insultaient, d'autres brandissaient le poing. Ess le fixait, les yeux toujours plissés, mais aucune expression sur le visage. C'était ce qui était troublant chez lui: on ne pouvait rien lire en lui. Il était comme un livre vide. Pire, c'était comme si il n'y avait même pas de livre. Coquille vide. Ess était comme un Néant distordu dans un corps d'homme. Pas d'ambitions. Pas de rêves. Pas d'Amour, pas de Haine. Qu'est-ce qui le motivait ? Bonne question. Il ne voulait ni gloire, ni honneur, ni respect... Nul ne pouvait vraiment dire qui il était, et ce qu'il voulait. En fait, il était là, c'est tout.

Il était là, à regarder Thaanös. Tout à coup, il le quitta des yeux et se tourna vers les Gobelins.

« Hey. Le Baron est plus là, alors lâchez-le. »

Les Gobelins furent surpris de sa réaction. Certains, qui ne l'avaient jamais vraiment accepté, répondirent, d'autres, qui l'appréciaient, se turent. Ess continua et acheva, dans un nuage de fumée:

« Ce sont les directives. »

Les Gobelins, bien que trafiquants, menteurs et sournois, avaient le sens du respect de leur chef. Et Ess l'avait compris. Il fit mouche. Les Gobelins, petit à petit, retournèrent à leur activité. Ess reporta son regard sur l'étranger. Il le dévisagea de nouveau et, l'expression toujours neutre, jeta sa clope en lâchant:

« Allons discuter. »

Il passa devant l'Elfe et sortit une petite clé, qu'il glissa dans la serrure.

« La poignée est un peu cassée. Faut lever légèrement la porte quand t'ouvres. 'Fin t'façon t'a pas la bonne clé. » - Il jeta un oeil à la grosse clé que tenait Thaanös. Il eut un petit rire. - « C'est la clé de ton ancêtre ? »

Puis sans attendre la réponse, qui ne l'intéressait pas, il entra chez lui, invitant Thaanös à faire de même.

Sa cabane était assez grande. De plus, il y avait un étage. En bas, un petit coin cuisine était aménagé d'un côté, un canapé et une table de l'autre. A l'étage, Thaanös ne pouvait le voir mais il y avait sa chambre. Partout, c'était le bronx. Il y avait de tout partout, notamment des tas de petites pillules et de sachets de poudre qui trainaient par-ci par là. Ess se dirigea vers le coin cuisine et, en chemin, tira une des chaises de la table. C'était une invitation pour que Thaanös s'assoit, apparemment. L'Hôte n'était pas très accueillant, mais ce devait être, aux yeux de Thaanös, le plus sympathique de la ville. Il posa deux bierres sur la table et s'assit, face à Thaanös. Il décapsula sa bouteille, et commenca à s'en préparer une autre. Le regard perdu sur ses gestes qu'il connaissait pas coeur, il lâcha:

« Alors, la Voile Sanglante hein ? Racontes. » - Il le vit hésiter. Il lança, proposant sa cigarette à l'Elfe - « J'en ai rien à faire de leurs querelles. Tu peux y aller. »

« Alors, la Voile Sanglante hein ? Racontes. J'en ai rien à faire de leurs querelles. Tu peux y aller. » 

L'Elfe posa ses pieds géants sur la table, soupirant de bien-être après avoir englouti sa bière. Ess bloqua sur les pieds de l'Elfe, puis après une seconde d'hésitation, ne fit rien, buvant tranquillement sa bière.

« Alors, d'une je suis ni ton pote ni ton copain ou quoique ce soit d'autre. J'ai donc aucun compte à te rendre. De deux, c'était ici chez moi il y a quelques années, donc j'aimerai récupérer c'qui m'appartient. »

Pas de réaction. Ess buvait au goulot, quand il capta le regard de l'Elfe. La tête penchée, un regard de fou, il faisait limite flipper. Ess posa sa bière et planta son regard inexpressif dans celui de l'Elfe. L'un avait un regard vide, l'autre un regard fou. Mais tout les deux avaient un point commun: on ne pouvait lire en eux. Ce moment dura quelques longues secondes, pendant lesquelles ils se fixèrent, tentant de comprendre à quoi pensait l'autre. Impossible. L'Elfe repris donc.

« Hmmm, il y a quelque chose qui me pousse à te laisser une chance de t'expliquer pourtant. Avant que tu ne dises quoique ce soit ou que tu réagisses, j'veux en savoir plus sur toi mec. J'avoue que j'ai pas trop suivi c'qui s'est passé avec les gobelins. Mais j'ai l'impression que tu les as envoyé balader en un rien de temps. Ils sont pas fut' fut' ça je sais mais... Ils peuvent s'accrocher à toi tels des moules. Ou des murlocs. J'aime les murlocs. Ce sont des p'tites bêtes passionnantes, vicieuses et un peu tarés. Un peu comme moi. Nyahaaa ! Bref, t'es qui, tu fais quoi et comment t'as récupéré ma planque ? »

Ess rit, de sa voix grave et trainante. C'était rare, de le voir rire. Mais ce type lui plaisait bien. Il était complètement taré. Tout l'inverse d'Ess, qui était très terre à terre, posé, réfléchit. Une personne normale n'aurait pas appréciée la façon de faire de Thaanös, d'exiger des explications alors que c'était lui qui venait semer le trouble dans la ville... Mais Ess n'était pas quelqu'un que l'on pouvait qualifier de « normal ». Tandis que celui-ci allait répondre, Thaanös se leva et alla se servir.

« Fais comme chez toi. »

« Je suis chez moi. »

« Pas faux. »

Ess mit sa cigarette entre ses lèvres et l'alluma. Il tira longuement dessus. L'Elfe, au tempérament bouillant, s'impatientait. Manque de chance pour lui, il était tombé sur le type au tempérament le plus froid au monde. L'Elfe revint s'asseoir et, s'étant ramené son propre verre et une bouteille de whisky, se servit. Une fois le verre plein, Ess s'empara de ce dernier, sous le regard de l'Elfe. L'humain avait un regard provocateur tandis qu'il buvait dans le verre de son « invité ».

« Merci. » - Dit-il, de la fumée s'échappant de ses narines. Il continua sur sa lancée - « Qui je suis, qu'est-ce que je fais, et comment j'ai récupéré ta planque... » - Il tira une nouvelle fois sur sa cigarette, lentement. De quoi faire enrager les impatients. - « Je suis Ess. Je fais du commerce... de toute sorte, spécialement illicite. J'habite ici depuis huit ans. Donc, tu ne récupéreras pas ta planque, à moins que tu me tolères à l'intérieur. »

Ess ne s'opposait pas à partager cette planque avec ce fou. Elle était assez grande pour eux deux, et il était assez détaché de tout pour supporter la collocation. Mais en aucun cas il ne lui laisserai. Il ne la quitterai pas. Thaanös n'avait plus aucun droit dessus. Ess lui faisait une offre: vivre ici avec lui, ou vivre ailleurs. L'Elfe semblait réflechir. Ess profita de cet instant de silence pour poursuivre, après avoir terminé sa bière:

« En fin de compte, j'ai pas besoin de savoir ton histoire. Elle ne m'intéresse pas et de toute façon, tu ne me diras rien. Je sais que tu t'appelles Thaanös, et que tu fais, en gros, le même genre d'activité que moi. Si tu t'installes réellement ici, on sera deux sur le marché. Alors soit on s'allie, soit on devient concurrents. A toi d'choisir. »

Deuxième offre. Ess n'était pas du genre à tourner autour du pot. Direct, en quelques minutes, il avait abattu ses cartes: soit ils vivaient tout deux dans cette planque, et s'alliaient pour les affaires, soit Thaanös se trouvait un nouveau toit et se faisait une place sur le marché, monopolisé par Ess. Seul un fou pourrait choisir la deuxième option. Mais justement, il était fou, l'Elfe. C'est pourquoi Ess ne pouvait qu'attendre sa réponse, calmement, fumant sa cigarette. Les deux solutions lui convenaient. En fait, il s'en fichait. L'Elfe était, certes, taré, mais Ess sentait qu'il n'était pas bête. Au contraire. Un gros cerveau se cachait derrière ce regard fou. C'est pourquoi il savait qu'ils pourraient s'entendre. Si Thaanös acceptait ses offres... Regards. Tout deux se fixaient. Ess avait ce visage inexpressif, impénétrable, Thaanös ce regard dément, incompréhensible. Ces deux personnalités impénétrables arriveraient-elles à se comprendre ?

« En fin de compte, j'ai pas besoin de savoir ton histoire. Elle ne m'intéresse pas et de toute façon, tu ne me diras rien. Je sais que tu t'appelles Thaanös, et que tu fais, en gros, le même genre d'activité que moi. Si tu t'installes réellement ici, on sera deux sur le marché. Alors soit on s'allie, soit on devient concurrents. A toi d'choisir. »

Ess bu une gorgée du verre d'alcool, le reposa et leva les yeux vers l'Elfe, calmement. Ce dernier éclata alors de rire. Ce n'était pas vraiment la réaction qu'il attendait, mais plus il regardait ce type, plus il savait qu'il était... imprévisible. En fait, il était fou, au sens propre. Ess ne devait donc s'étonner de rien. La tête penchée, il regardait Ess d'un air dément. On ne savait pas si il s'apprêtait à le tuer ou le serrer dans ses bras. Psycopathe. Ess, inébranlable, le fixait toujours, le visage inexpressif. L'Elfe se leva, suivit des yeux par l'homme qui ne bougea pas d'un millimètre. Thaanös lâcha:

« Hin hin... Alors comme ça tu te permet de me faire des offres, comme ça, direct, dans ma planque alors qu'on se connaît même pas. »

« C'est ça. »

L'Elfe s'approcha, le regard fou.

« Tu te crois tout permis. Mais tu es indifférent. Tu me fais bien savoir que c'est chez toi. Mais tu me laisses rentrer et me servir comme je veux. »

« Je suis fascinant hein ? »

Ess eut un rire narquois et provocant, portant le verre à sa bouche, désinvolte. L'Elfe s'approcha tout prêt d'Ess et posa son index sur le buste du jeune homme en éclatant de rire brutalement au moment ou Ess buvait. Ce dernier manqua de s'étouffer quand l'Elfe lui donna une tape forte sur le dos en hurlant. Recrachant l'alcool dans son verre, il toussa, lançant un regard mauvais de côté, adressé à Thaanös qui, derrière lui, ne pouvait le voir. L'Elfe alla se vautrer dans le canapé, laissant Ess marmonner dans son coin. Sans attendre, il repartit dans son délire.

« Bon. Ça m'va tout ça. Je sais que j'trouverai pas mieux comme planque. Normal, c'est moi qui l'ai construite. Hu hu ! En c'qui concerne l'commerce, je travaille d'habitude en solo. Mais j'veux bien faire un essai à deux. On verra bien si ça marche ou pas ! Bon par contre, je suis un mec complètement bordélique donc va falloir t'y habituer. »

Ess leva doucement les yeux l'air de dire « regardes autour de toi », et Thaanös affirma qu'il était pire. Ess lâcha mollement, avant de finir son verre:

« Temps qu'c'est un minimum vivable... »

L'Elfe se prélassa sur le canapé quelques secondes mais, contrairement à Ess, était incapable de tenir en place. Il sauta donc très vite sur ses pieds et sortit sur le pallier de la cabane. Ess le vit s'agiter là-bas, regarder un peu partout, s'accroupir... Il fronça les sourcils et, emporté par la curiosité, se leva et se traina jusqu'à l'Elfe. Il lâcha, sur son ton trainant habituel:

« Tu fous quoi ? »
« Je vérifie un truc. Tiens. Approche-toi. Met-toi là ». - Perplexe, le jeune homme fit un pas en avant et, poussé par l'Elfe, se déplaça d'un pas sur la droite - « ...Oui ici. Hey t'inquiète pas, je cherche pas à te faire un coup foireux. » 

Regards. Sourire sadique.

« Mouais... »

L'Elfe retourna dans la planque, gambadant gaiement sous le regard intrigué de son nouveau et pauvre colocataire. Ce dernier, curieux, se pencha légèrement pour voir ce que fabriquait ce malade. Il le vit... soulever l'accoudoir du canapé. Ha. Après huit ans de vie ici, Ess découvrait quelque chose. Bon, au moins, il avait la preuve que ce type n'était pas complètement fou: il avait bien vécu ici.

Mai Ess n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit. Il sentit tout à coup le sol se dérober sous ses pieds, et chuta dans un « Wow! » qui amusa beaucoup l'Elfe. Ess atterrit dans l'eau de la Baie. En un battement de pieds, il remonta à la surface et inspira. Il ouvrit les yeux, leva la tête en grimaçant et aperçu la tête de psychopathe de l'autre. Le longues-oreilles parla rapidement, tout excité, et disparu, toujours si enjoué. Ess baissa les yeux devant lui, le regard perdu, sourcils froncés, et lâcha pour lui-même:

« Mais c'est quoi ce type... ? »

Un bout de corde tomba devant lui, lui éclaboussant la figure. Ess marmonna et attrapa la corde. Malgré son allure frêle, le jeune homme avait tout de même de bons muscles, et parvint sans difficulté à remonter la corde, se hissant jusqu'à l'Elfe. Ce dernier l'attendait là, dans l'encadrure de la porte, planté, un grand sourire aux lèvres. Il lui tendit la main, en signe d'amitié, en lâchant, un sourire large jusqu'aux oreilles:

« Pote ? »

Ess bloqua, regardant l'énergumène, un sourcil levé, le visage figé. Après une seconde pendant laquelle l'Elfe resta parfaitement immobile, le jeune humain hocha la tête, et sourit enfin, empoignant la main de Thaanös, lâchant:

« T'es complètement cinglé... Alors potes. »

Il sourit à l'Elfe. Chose très rare. D'ailleurs, lorsque l'Elfe se tourna pour entrer, Ess reprit son expression normale, mâchoire serrée, regard indifférent. En fait, il ne faisait pas exprès, naturellement, d'avoir une expression si mauvaise. C'était son physique qui voulait ça. Ses joues étaient creuses, ce qui donnait l'impression qu'il pinçait toujours les lèvres, mâchoire serrée. De plus, ses yeux étaient parfaitement noirs. Étrange. On ne voyait pas de différence entre son iris et sa pupille. Du coup, on avait l'impression qu'il lançait un regard « noir », « foudroyant » à tout le monde. Bon, étant donné qu'il n'aimais pas le monde, c'était souvent le cas... Mais pas toujours. Bref.

Il entra à la suite de Thaanös dans la planque et monta à l'étage il prit une serviette de bain et s'essuya les cheveux, – qui du coup, furent encore plus en vrac que d'habitude – le corps, et se changea. Lorsqu'il redescendit, il trouva Thaanös à quatre pattes par terre, visage collé au sol. Il regardait à travers un trou du plancher en murmurant à répétition des mots tels que « fascinant » et « incroyable ». Ess haussa les épaules et avança, enjamba son « pote » et se dirigea vers le coin cuisine. Il saisit une pomme et croqua dedans. Divinement bon. Le fruit à la main, la bouche pleine, Ess se tourna face à Thaanös, s'appuya contre le plan, de travail et dit:

« Bon. Là haut ch'est ma chambre. Toi, tu dors chur ton canapé. Fais pas gaffe aux filles qui pachent, elles rechtent pas pluch d'une nuit... » - il avala - « Sauf si tu veux les garder pour toi la nuit suivante, tu fais ta vie. »

Il traversa de nouveau la pièce, allant vers les escaliers, mais s'arrêta à la première marche. Il revint au plan de travail et saisit le saladier de pommes.

« J'oubliais: Pas touche aux pommes. »

Le jeune homme se dirigea vers les escaliers et grimpa dans sa chambre, emportant ses pommes et laissant l'Elfe à ses occupations étranges.

Une chose était sûre: il n'allait plus s'ennuyer.

- FIN DU TOPIC -